1. Poser, 2015
2. Carte postale, camp du grand Arenas, Marseille
3. Faux Ventis, 2016
Sophie Lapalu
Saisir l’absence
Ilanit Illouz, à travers la photographie, cherche à saisir l’absence. Le hors champ de ses images devient sujet principal tandis que l’ellipse glisse le long d’un point de fuite qui continue loin, loin en dehors du cadre. Que nous disent ces aiguilles de pin, ces roses de Jéricho, ces écorces qui dessinent un horizon fragmenté de nature morte (Rose de Jéricho, 2015) ? Que cachent la superposition d’images où se devine la fin d’une route et le début d’une banlieue pavillonaire du sud de la France (Marcher, 2015) ?
Que nous dévoile La Jetée (2015), ce tirage lenticulaire qui découvre deux vues de la mer méditerrannée qui se font face ?
« Tu n’as rien vu d’Hiroshima » dit l’amant japonais à la française dans le film d’Alain Resnais Hiroshima mon Amour. En échos au personnage, Illouz demande « Comment rendre compte d’évènements irracontables ? ». Ensemble ils posent la question de l’impossible témoignage. Le récit ne peut exister que lorsqu’il y a eu expérience et que celle-ci peut être transmise, de mémoire en mémoire. Quand l’experience est impossible, la transmission est rompue.
Les images d’Illouz sont des tentatives de dire et d’écrire l’histoire d’un espace intraduisible. L’artiste l’arpente, l’experimente, collecte les cailloux, les débrits et les plantes mortes, comme s’ils étaient des témoins qu’il faut faire parler. Elle cherche les traces suceptibles de faire ressurgir le passé. Mais le paysage à peine dévoilé dans ses images ne porte plus aucune
marque de ce qui l’a hanté : les baraques en forme de tonneau du camp du Grand Arenas. Ce camp aujourd’hui disparu, sis entre la prison des Beaumettes à Marseille et le village de La Cayolle, isolé par des murs et des bareblé, avait été érigé à la fin de la seconde guerre mondiale pour y placer les travailleurs vietnamiens independantistes. Il a vu transiter
les candidats à l’émigration pour Israël, les juifs d’Afrique du Nord, les travailleurs émigrés, les gitans... Détruit en 1966, il n’en reste rien, si ce n’est aujourd’hui les traces de pas del’artistes à la recherche de narrations éclatées et étirées dans le temps et les roses de Jéricho balayées par le vent.