Horizon(s)
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Pour ce torrent sans lit   


“ Pour ce torrent sans lit
Ce chant immobile de pierres
Pour cette eau qui monte Dans la clarté des pierres “        

inspiré par le désert de Judée à Lorand Gaspar.
Sol absolu 1977

« Plasticienne formée à la photographie, Ilanit Illouz dans une démarche d’artiste chercheuse, arpente des territoires en quête d’indices et de traces. Les débris organiques et minéraux collectés durant ses marches, sont photographiés, réinventés en studio par des traitements spécifiques de l’image, fournissant le support de récits qui mettent en scène la mémoire des espaces parcourus et nous alertent sur les enjeux culturels, géopolitiques et environnementaux qui les traversent. L’axe de recherche d’Ilanit Illouz est l’épuisement des ressources naturelles, matrice d’un projet artistique appelé à s’inscrire dans la durée.

Elle explore en 2016 grâce à une bourse de la Fondation des artistes le désert de Judée et les rives de la mer Morte. Territoires façonnés par une histoire immémoriale et situés dans une zone de conflits politiques et économiques. Théâtre d’une catastrophe écologique en cours provoquée par les infrastructures (barrage, grand canal) construites par deux des états riverains (Israël et la Jordanie) pour fertiliser le désert ou mieux exploiter les sels de la mer Morte présents notamment dans les produits cosmétiques que nous consommons.

Ce grand lac salé a perdu en cinquante ans le tiers de sa superficie et se trouve maintenant menacé de disparition. La sécheresse a eu pour effet de multiplier les cratères qui trouent de toute part un terrain truffé de poches de sel. Ces « Dolines » parfois de plusieurs kilomètres de diamètre sont le symptôme le plus évident du processus d’asséchement.

L’histoire de ce lieu appelé dans l’antiquité Lac Asphaltite fut longtemps marquée par l’extraction du fameux bitume de Judée. Ce matériau à usage d’étanchéité faisait l’objet d’une multitude d’applications et reste lié à l’histoire originelle de la photographie. Niépce invente dans les années 1820 un procédé photomécanique qui permet de reproduire des dessins en les mettant en contact avec des supports (plaques de verre, d’étain, de cuivre) enduits de bitume de Judée aux étonnantes propriétés photosensibles. Les images ainsi révélées étaient gravées à l’acide et imprimées sur papier selon le principe de la photogravure, sans doute le plus beau mode d’impression d’images photographiques.

Ilanit Illouz renoue pour la série des Dolines avec cette source en s’inspirant de cette démarche expérimentale dans des tirages pigmentaires, dégradés au sel même de la mer Morte pour inscrire dans la matière photographique l’élément physique le plus représentatif de l’identité du lieu. Il en résulte des sédiments, des photographies comme fossilisées dans le sel, qui figent au tirage une trame organique vivante.

Ses images mettent en lumière la fantasmagorie minérale des concrétions salines et des agrégats pierreux apparus dans un paysage quasi lunaire redessiné par l’activité humaine. Leur beauté formelle proche de l’abstraction ne fait pas oublier que les plus graves menaces pèsent sur un écosystème unique au monde. »

Muriel Enjalran